L’éducation et la culture

La position éducative a comme point fort de nous parler de la société d’aujourd’hui et des problèmes de fond qu’elle nous pose. Le cas de l’instruction dans le monde d’hier, celui des campagnes et de l’exode rural. Aujourd’hui, nous sommes à la cinquième génération de personnes alphabétisées, nous sommes dans un monde où s’opposent centres-villes et vastes banlieues, ces dernières étant moins menacées par l’analphabétisme que par l’illettrisme. Les banlieues ne connaissent plus la civilisation de la grande industrie avec sa discipline contraignante et sont marquées par la perte des repères et par le poids spécifique de nouveaux arrivants qui rencontrent des problèmes d’intégration et d’acculturation. L’immigration est incontestablement porteuse d’une richesse culturelle encore inexploitée ; elle est à terme une chance d’élargissement de nos références. Mais pour l’heure, elle est porteuse de difficultés d’ajustement et d’insertion. Une analyse et des programmes scolaires renouvelés sont donc indispensables.

Un réel problème

La grande différence entre les campagnes d’autrefois et les banlieues d’aujourd’hui réside dans le fait que les enfants des banlieues doivent affronter non seulement les difficultés traditionnelles de l’apprentissage dans un groupe scolaire, mais également un combat entre valeurs de référence. On parle ici non seulement des valeurs du passé, tradition de nos cultures religieuses mais également des valeurs du futur ou confrontation de modes de formation différents, accélérée par Internet et la télévision. Par principe, l’Ecole ne fait pas de différence mais en même temps, elle ne sait pas toujours surmonter les différences. Toute la valeur du projet éducatif est d’appeler à une transformation des pratiques éducatives. Encore faut-il que l’enfant soit au préalable en mesure d’entendre la langue qu’on lui parle et en mesure d’accepter ce qu’on souhaite lui enseigner. La réflexion vient tard, en classe Terminale, lorsque la formation essentielle a déjà été dispensée. Et la partie de l’Ecole qui me semble mise en cause, ce sont les lieux de transition : l’entrée dans le primaire et l’entrée au collège. Les difficultés sont si importantes qu’elles nécessitent des avancées. A côté des instituteurs et des professeurs, on doit faire intervenir dans l’école des psychologues et des assistants sociaux ; et le dialogue entre parents et enseignants doit être plus ouvert.

Qui l’Ecole doit-elle viser ? Au-delà de l’enfant et de l’élève, c’est sur la personne humaine que l’Ecole doit s’appuyer. Il faut partir de l’attitude éducative, qui prend en compte le réel et la souffrance sociale, mais pour conduire l’enfant vers la responsabilité civile et professionnelle. Pour cela, il ne faut donc pas renoncer à l’instruction. Le point stratégique pour la réconciliation de ces deux positions se situe à la fois aux bords extrêmes et à leur jonction. L’éducation est un départ et la formation culturelle et professionnelle une finalité. L’Ecole doit réintégrer deux éléments qu’elle a laissés de côté : l’instruction civique et la formation professionnelle. Quand on pense à la place du droit dans nos sociétés, il paraît incroyable qu’aucun élément de droit civil, pénal ou constitutionnel ne soit enseigné. Il n’y a pas d’opposition absolue entre éducation et instruction, ni entre l’enfant et l’élève.

Ermengardi Roussel

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